Discours polémique d'un élu grenoblois à la cérémonie de la rafle de Bizanet

Un discours controversé a provoqué le départ du président du Crif, de plusieurs élus et d’une partie du public, lors de la cérémonie en hommage aux victimes juives arrêtées à Grenoble en 1942.

Une cérémonie annuelle marquée par le souvenir
Comme chaque fin d’été, Grenoble a rendu hommage, mardi 26 août, aux victimes de la rafle de 1942. Ce jour-là, 353 hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés par le régime de Vichy, rassemblés à la caserne Bizanet, avant que nombre d’entre eux ne soient envoyés vers Auschwitz après un passage à Drancy. Traditionnellement, la cérémonie est marquée par des chants, une prière du rabbin et des dépôts de gerbes. Mais cette 83e commémoration a été bouleversée par l’intervention de l’élu grenoblois Claus Habfast, représentant la mairie.

Un discours jugé « hors sujet »
Chargé de prononcer une allocution « au nom de la mairie », le conseiller municipal a livré un texte mêlant mémoire de la Shoah et actualité internationale. « J’ai toujours soutenu Israël parce que je venais d’un pays qui avait commis la Shoah », a-t-il d’abord rappelé. Mais rapidement, son propos a glissé vers le conflit au Proche-Orient : « Cet héritage me laisse profondément troublé, face à la tragédie et aux morts à Gaza », « Chaque enfant mort à Gaza alimente l’antisionisme et décomplexe davantage encore l’antisémitisme », dénonçant au passage « le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou ». Ces prises de position ont suscité de vives réactions dans l’assistance. Le porte-drapeau Alex Cohen a interrompu la lecture : « Le discours était hors sujet, ce n’était pas le moment ni le lieu. »

Départs en chaîne
À ce moment, Éric Hattab, président du Crif Grenoble-Dauphiné, a quitté la cérémonie, suivi par la sénatrice Frédérique Puissat (LR), la députée Camille Galliard-Minier (Renaissance), l’élue régionale Catherine Bolze et l’élue départementale Joëlle Hours. Cette dernière a dénoncé « un mélange des propos qui n’était pas digne » et « un discours déplacé, inconvenant et irrespectueux pour les victimes ». Le départ coordonné de plusieurs personnalités a interrompu le déroulé prévu : ni la prière aux déportés ni le dépôt de gerbe du Crif n’ont pu avoir lieu.

La réaction du Crif
Dans un communiqué, le président du Crif a dénoncé « un détournement de mémoire » :
« Au lieu de consacrer son discours à cette mémoire sacrée, M. Habfast a cru devoir développer une analyse politique sur la situation au Proche-Orient. En mélangeant la Shoah et la tragédie actuelle, il a brouillé le message et offensé la mémoire des victimes », écrit Éric Hattab. Il exige que l’élu « ne prononce plus aucun discours au nom de la mairie de Grenoble lors des commémorations liées aux persécutions subies par la communauté juive ». 

Les excuses de Claus Habfast
Quelques heures après la cérémonie, l’élu a exprimé ses excuses : « Si j’ai blessé des personnes, j’en suis profondément désolé. Ce n’était pas mon intention. Je voulais partager le trouble que je ressens face à Gaza. Je suis prêt à en discuter avec ceux qui ont été choqués. » Il s’interroge toutefois : « Peut-on parler de l’actualité qui nous bouleverse lors d’une cérémonie mémorielle ? » Dans un communiqué, le Parti Communiste de l'Isère a tenu à exprimer son soutien à Claus Habfast, estimant que : "le devoir de mémoire devait se conjuguer au présent !"